Nikonoff Pour un protectionnisme universaliste
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PROTECTIONNISME UNIVERSALISTE ET DÉSOBÉISSANCE EUROPÉENNE
Par Jacques Nikonoff, porte-parole du Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP).
Le 25 mars 2010.
Tribune publiée dans Royaliste n° 964.
Le libre-échange, mis en œuvre avec fanatisme par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Union européenne (UE), est l’outil principal des politiques de mondialisation organisées par les classes dirigeantes. Elles gonflent leurs profits en réorganisant le travail à l’échelle planétaire afin d’écraser les salaires et les salariés. En mettant les travailleurs en concurrence, c’est toute la politique sociale, partout, qui est tirée vers le bas. Mais la conscience des dégâts provoqués par le libre-échange se renforce dans des pays et milieux sociaux très divers. Le bilan du libre-échange apparait catastrophique, tant pour les pays du Nord dont les emplois industriels sont délocalisés, que pour les pays du Sud qui ne parviennent pas à développer leur agriculture et leur économie. S’ajoute à ce bilan l’impact très négatif du commerce international sur l’environnement et le climat.
Si le tabou reste encore vivace, l’idée du protectionnisme – ou de mesures protectionnistes – gagne du terrain. Le débat commence même à porter sur la manière de faire. Un cadre technique et politique existe pour répondre à ces questions : celui de la Charte de La Havane, qui devait aboutir à la création de l’Organisation internationale du commerce (OIC). Signée en 1948 par 53 pays, elle n’a pu entrer en vigueur du fait du sénat américain dont la majorité venait de changer. Ses principes demeurent valables.
Le principe central sur lequel repose la Charte de La Havane est celui de l’équilibre de la balance des paiements
Les échanges commerciaux entre pays doivent tendre vers l’équilibre, aucun pays ne possède de raisons particulières d’être structurellement en excédent commercial ou, inversement, en déficit commercial. Les pays en déséquilibre peuvent donc avoir recours à des mesures protectionnistes pour revenir à l’équilibre.
Les autres principes sont ceux du plein-emploi ; de normes de travail équitables ; de la coopération économique et non de la concurrence et de la « conquête » des marchés ; du contrôle des mouvements de capitaux ; de l’autorisation des aides de l’État ; de la possibilité de conclure des accords « préférentiels » ; d’avoir recours à des « restrictions quantitatives » ; des garanties sur les produits de base…
Tel est le cap que devraient se fixer tous ceux que révulsent le libre-échange et qui considèrent que la perspective ouverte par la Charte de La Havane est internationaliste et universaliste.
Les institutions multilatérales (FMI, BM, OMC, OTAN, UE) sont les piliers de l’ordre libéral mondial
Ce constat n’interdit pas, bien au contraire, de poursuivre les mobilisations internationales pour les faire céder. Mais cette seule orientation ne saurait suffire. Pour avancer vite et provoquer un effet d’entrainement, des mesures unilatérales prises par les États, seuls ou par petits groupes, sont indispensables.
La France, si un gouvernement voulait agir pour résoudre les problèmes, ferait de la désobéissance européenne en retirant le mandat qu’elle a donné à l’Union européenne pour négocier, en son nom, à l’OMC. La décision devrait être prise par référendum afin de donner toute la légitimité populaire à cette décision qui serait le début d’un long processus de sortie du néolibéralisme et peut-être même du capitalisme.
Ensuite, il faudrait négocier, sur le plan bilatéral et multilatéral, des mesures protectionnistes pour revenir, partout, au plein-emploi, mettre un terme aux délocalisations et envisager la relocalisation de l’économie.
La France agirait alors de manière libre et indépendante à l’OMC, portant aussi l’intérêt général des peuples, en demandant à ses 153 pays membres de la transformer en OIC et d’adopter la Charte de La Havane. Comme l’unanimité des pays concernés semble peu probable, un double système de commerce international verrait le jour. Le premier serait organisé par l’OMC qui resterait en place avec les pays qui auront refusé sa transformation en OIC, fondé sur la doctrine du libre-échange. Le second système de commerce international concernerait les pays qui auront quitté l’OMC pour créer l’OIC, fondé sur les principes de la Charte de La Havane. Rien ne devrait empêcher la poursuite des échanges commerciaux entre les pays des deux systèmes, sur une base bilatérale.
Ainsi la prédiction de Keynes se réaliserait : « être le plus libre possible des interférences extérieures » en matière d’activité économique.