De la rigueur à la déflation budgétaire! Gérard Fonouni

De la rigueur à la déflation budgétaire…

De la rigueur à la déflation budgétaire, il n’y a qu’un pas.

A cause de la crise financière de 2008, la rigueur budgétaire nous est imposée comme un mal nécessaire pour notre bien.

Selon le dogme libéral, interdisant toute hausse ou réforme substantielle des recettes fiscales, la saignée dans les dépenses publiques reste le seul remède pour assainir les finances publiques. La douleur de la rigueur participerait ainsi au traitement du déficit.

Chaque jour un peu plus, les réformateurs de l’Etat passent froidement le rabot comptable sur les budgets de fonctionnement épuisés et dégradent de plus en plus les conditions d’exercice des missions des services publics. De la rigueur on pourrait vite passer à la déflation budgétaire.

Maintenir une telle rigueur budgétaire, conforte l’idée que l’intérêt individuel prime sur l’intérêt général, et que seules les dépenses du secteur privé sont considérées comme des investissements créant des richesses.

Ainsi, prisonnier de ce mode de pensée on est tenté de considérer les dépenses sociales publiques (éducation, santé, sécurité …) comme une charge improductive qu’il faut réduire.

De plus en les évaluant seulement à partir de leur coût fiscal, on ne fait que renforcer l’ampleur de leur charge au détriment de la richesse qu’elles nous procurent. Leur hausse traduirait ainsi une mauvaise gestion des finances publiques.

Cette orientation libérale forge progressivement une défiance à l’égard de l’Etat.

Le refus de cette déflation budgétaire, est trop souvent assimilé par l’opinion publique, à une aversion au changement, au rejet de toute réforme et à l’immobilisme des fonctionnaires.

Quelle erreur ! Les fonctionnaires n’ont jamais rechigné à l’effort, ni au changement pour améliorer la qualité des services publics, et ne versent pas moins de sueur que d’autres.

L’idée pourtant fausse, d’un sureffectif de la fonction publique peu performante s’en trouve donc accréditée. Cette déflation de l’emploi public cimente petit à petit l’idée que les dépenses publiques sont trop coûteuses et provoquent des déficits sociaux récurrents. Leur réduction serait donc corollaire à celle des dépenses publiques. Elle est alors la condition préalable à la performance économique des services publics.

Et comme si cela ne suffisait pas, les codes se brouillent au sein même de l’Administration Publique jusqu’à la modification de son vocabulaire.

Les termes de productivité, de performance, de client, s’introduisent désormais dans le quotidien des fonctionnaires, et chassent leurs propres termes devenus désuets, que sont ceux de service public, d’intérêt général, de citoyen ou d’usager.

Or il semble bien difficile d’imposer dans le domaine de l’intérêt public la règle de la performance économique, concept de productivité lié aux intérêts privés. Rationaliser les moyens pour maximiser la rentabilité prend tout son sens dans le secteur privé où la finalité est de réaliser un maximum de profit avec un minimum de moyens, en substituant du capital au travail. Il semble hasardeux et inapproprié de transférer cette règle dans un univers où l’intérêt général est le principal objectif et la présence humaine le seul moyen de le mener à bien.

La recherche de cette forme de performance calquée sur le privé est donc contraire aux fondements mêmes du secteur public. Elle l’affaiblit au lieu de l’améliorer. La qualité du service public dépend des moyens engagés, de la motivation de son personnel, et d’une gestion prenant en compte la richesse sociale qu’elle nous procure.

Comment pourrait-on être mieux soigné avec moins de personnel médical ? Comment pourrait-on mieux enseigner, mieux éduquer avec moins de professeurs ? Comment pourrait-on être mieux protégé avec moins de policiers ?

Avec moins on ne fait pas mieux, mais on fait beaucoup moins !

La rationalisation de ces dépenses d’investissement public ne permet en aucun cas d’améliorer le bien-être social, bien au contraire elle l’appauvrit injustement en le confiant progressivement au privé. La déflation des moyens ne fait qu’aggraver la dégradation des services publics les empêchant de mieux servir les citoyens.

Certes, nul ne contestera la nécessité du redressement des comptes publics dont la dégradation, depuis trois ans est très inquiétante. Mais peut-on limiter les objectifs de l’Etat à ce seul objectif quantitatif ?

Gérard Fonouni