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Analyse de Gérad Filoche sur l'ANI

Analyse de G. Filoche sur l' A.N.I.
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L'intervention de filoche sur l'ANI le 21 février 2013 à Bègles

Rien contre le chômage,
le Medef a bloqué toute avancée pour les salariés
dans cet accord signé par une minorité syndicale

analyse revue et corrigée, détaillée et complétée
de l’ANI Accord National Interprofessionnel « accords de Wagram »

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Les « accords de Wagram » (l’ANI s’est discuté au siège du patronat) ne croyez pas les grandes phrases des médias qui les encensent. Ceux qui le défendent font du grand baratin mais ne le citent jamais. Comme avec les contrats d’assurance, il faut bien lire ce qu’il y a de marqué en tout petit. Ils mettent beaucoup de beurre sur la tartine mais c’est en la croquant qu’on découvre qu’elle est moisie.
Alors lisez, lisez. Ne vous contentez pas d’une présentation superficielle.
Dés qu’on prend le temps de les lire, on perçoit la nature réelle de cet accord, on est effaré.

L’accord est organisé en 28 articles, inégaux. Prenez le temps ci-dessous, on a regroupé en 13 points. Un accord de flexibilisation forcée. Un accord de chantage à l’emploi. Une attaque contre le CDI. Un accord de sécurisation de la délinquance patronale. Lisez. Le diable est dans les détails.

Ce sont des accords régressifs, signés par une minorité de syndicalistes et ils ne feront pas un seul chômeur en moins, pas un emploi en plus. Du point de vue de l’inversion de la courbe du chômage en 2013, ils sont dangereux. S’ils s’appliquent (car rien n’est fait et même ce qui est prévu est étalé dans le temps de fin 2013 à 2016… et l’essentiel des points sont prévus.. à renégociation ultérieure) ils donneront lieu à des charrettes empressées de licenciements – comme Mittal, Petroplus, Sanofi. Le Medef veut battre politiquement la gauche, il va le faire avec les armes que lui donnent cet accord.

Il n’y a pas une seule avancée… sauf pour le patronat.

C’est un accord dont la principale caractéristique est de faciliter les licenciements et de rendre plus difficiles les recours des salariés, des IRP, des syndicats.
Mais il s’y ajoute une dizaine d’attaques
- théoriques (contre la place de la procédure, contre celle du contrat individuel)
- dangereuses ( le CDI intermittent, la mobilité interne, le court circuit des plans sociaux, les « accords de maintien de l’emploi » – de compétitivité..),
- en trompe l’oeil (contrats courts, temps partiel, formation professionnelle, complémentaire santé)
- ou mesquines (blocage des dommages et intérêts aux prud’hommes, prescription des heures supplémentaires après 3 ans..)
Tout ce qu’il y a dans l’accord va contre les salariés et pour les employeurs.

Il y a 8 syndicats en France : CGT, CFTD, FO, FSU, UNSA, SOLIDAIRES, CGC, CFTC. Seulement 5, CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC ont été associés par le Medef aux négociations. Les trois syndicats qui ont signé, sont largement minoritaires.

Depuis 2008, la loi établit que ce n’est plus le nombre de syndicats qui signe qui établit la majorité et la validité d’un accord, ce n’est plus un « vote par ordre » mais un vote « par tête ». Il faut donc un seuil de représentativité en nombre de voix de salariés derrière les syndicats pour qu’un accord soit validé : ce seuil était fixé à 30 % jusqu’en 2012 et porté à 50 % en 2013.

Les trois directions CFDT, CGC, CFTC, étant totalement minoritaires sur ce coup auraient du ne pas faire bande à part, ne pas envisager de les signer. Tous leurs adhérents salariés devraient les pousser à ne pas les ratifier et à revenir dans un cadre d’unité syndicale !

Il faut autant de contrat que possible mais autant de loi que nécessaire. L’accord est présenté comme un « compromis » : oui mais c’est le compromis d’une minorité. L’ANI étant minoritaire, le Parlement n’est absolument pas tenu de le « ratifier » tel quel, la majorité de gauche doit jouer tout son rôle pour contrer ce qu’a imposé le Medef. Il y va de la lutte contre le chômage ! Est-ce qu’il faut interpréter en le transcrivant dans la loi, cet accord de façon « fidèle et loyale » ou bien de façon « optimale » (pour les salariés) en tenant compte des « syndicats majoritaires non signataires » ? Evidemment dans l’intérêt des salariés : il y a déjà tellement trop de flexibilité dans le Code du travail. Ca fait dix ans que la droite passe le Code du travail à l’acide des exigences du Medef. On attend que la gauche corrige et redresse cela par la loi. D’ailleurs le projet socialiste 2011 se proposait de « reconstruire le code du travail ».

La flexibilité c’est l’ennemi de l’emploi. Plus il y a de flexibilité, plus il y a de chômage et de travailleurs pauvres, ça marche toujours ensemble. En France, chaque fois que les licenciements ont été facilités, le chômage a augmenté. Partout où la flexibilité a augmenté, le chômage a progressé y compris dans les pays scandinaves pris à tort comme « modèle » : la mise en place de la prétendue « flexisécurité » a permis de passer d’un taux de chômage de 3 à 7,8 % au Danemark, 7,9 % en Finlande, 8,1 % en Suède soit une augmentation moyenne de 3 à 8 % (+ 266 %). C’est quand les salariés sont bien formés, bien traités, bien payés qu’ils sont le plus « compétitifs », pas quand ils sont flexibles !

Ne vous laissez pas décourager, ni démobiliser : la victoire des exigences du Medef contenues dans l’accord n’est pas acquise. Car rien de tout cela n’aboutira avant le mois de mai 2013 : il y faut le temps des ratifications de l’accord, le temps d’écriture des lois, le temps du Conseil d’état, celui du conseil des ministres, et celui des débats aux Assemblées puis des recours).

Donc la majorité du salariat de ce pays a le temps d’expliquer, de combattre et de gagner !

Il existe une alternative : reconstruire le droit du travail pour garantir l’emploi, les salaires, l’état de droit dans les entreprises, la santé, l’hygiène, la sécurité sociale, les droits syndicaux et ceux des institutions représentatives du personnel.

Examinons ci dessous 13 points contenus dans les « accords de Wagram » (adoptés) 13 points qui… portent malheur

1°) Les contrats « courts » ? Ils sont maintenus !

Ce n’est ni le chômage, ni les salaires, ni la durée du travail, ni le droit du licenciement, ni la médecine du travail, qui ont focalisé la négociation de Wagram. Le dirigeant de la CFDT Yannick Pierron, avait choisi de tout polariser sur les « contrats courts » : « Il n’y aura pas d’accord sans accord sur les contrats courts » (dans le Nouvel Observateur le 9 janvier). Il a donc crié victoire ensuite : « Contrats courts : objectif atteint » à l’unisson avec le chef de file du Medef, Patrick Bernasconi. Mais on va le voir, rien n’a été obtenu et derrière ce leurre, ce sont les « accords de compétitivité » ont été concédés sans coup férir au Medef.

Selon l’ANI (accord national interprofessionnel) une « sur cotisation » devrait être appliquée aux contrats courts au 1er juillet 2013 :
- 7 % pour les contrats d’une durée inférieure à un mois
- 5,5 % pour les contrats compris entre 1 et 3 mois.
- 4,5 % (au lieu de 4 %) « seulement » pour les contrats d’une durée inférieure à 3 mois pour certains CDD dits « d’usage » (ce sont les secteurs qui empilent le plus de CDD, notamment le sondage, activité préférée de Laurence Parisot). Ce sont les contrats d’une durée inférieure à 3 mois, conclus dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, dans lesquels il est « d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée » donc « seulement »… 15 secteurs dont les exploitations forestières, la réparation navale, l’hôtellerie et la restauration, les spectacles, l’audiovisuel, l’enseignement, les enquêtes et sondages, le bâtiment et les travaux publics à l’étranger, les activités de service à la personne…

Ces sur-cotisations selon le Medef couteraient 110 millions aux divers employeurs concernés. Pour les compenser, les contrats à durée indéterminée conclus avec des jeunes de moins de 26 ans seront exonérés de cotisations patronales d’assurance chômage pendant 3 mois, 4 mois dans les entreprises de moins de 50 salariés. Selon le Medef, cela rapporterait 155 millions aux divers employeurs soit une bonne affaire de 155 – 110 = 45 millions d’euros.

Cela ne fera pas un seul CDD de moins : l’intérim n’est pas concerné ! Or le surcoût d’un contrat d’intérim est de 15 % donc désormais inférieur aux CDD courts…

Les CDD de plus de trois mois ne sont pas concernés. Ni les contrats saisonniers, ni les « contrats conclus pour remplacements de salariés absents », ne sont concernés.

Seulement 30 % des CDD seront taxés.

En fait, il n’y aucune sorte de limitation des CDD ou des autres contrats précaires. Rien de dissuasif n’a été instauré. C’est une victoire du patronat de l’intérim qui protestait depuis longtemps sur le fait que l’intérim était plus couteux que les CDD : « objectif atteint » ! Les signataires le savent pertinemment puisqu’ils ont prévu « d’inviter la branche du travail temporaire à organiser un accord collectif » ! (article 4 de l’ANI). En effet ils prévoient que la majoration de la cotisation d’assurance chômage ne concerne pas les contrats des intérimaires, mais que le patronat de cette branche est invité à poursuivre ce qui existe déjà : les contrats d’intérim permanent – articles L.1252-1 du code du travail et suivants – dans le cadre de l’activité des entreprises de travail à temps partagé que peuvent exercer les entreprises de travail temporaire !

Est-ce qu’il y aura remplacement d’un certain nombre des  » CDD courts »… par des CDI parmi les moins de 26 ans ? Pas sur du tout. Les employeurs feront peut être des
ce qui deviendra des « CDI courts » pour bénéficier de l’effet d’aubaine de l’exonération des cotisations pendant trois mois. Mais lorsque l’aubaine sera éteinte, il licencieront sans coup férir. Facile avant la fin des trois mois, les périodes d’essai ayant été allongées.

Aucun, aucun effet contre le chômage !

En alternative, nous soulignerons que les CDD de moins d’un mois, dans le passé, étaient interdits, on pouvait espérer qu’ils le redeviennent. Avec les syndicats nous demandions qu’il y ait des quotas, et qu’une entreprise de plus de 20 salariés ne puisse utiliser plus de 20 % de précaires sans autorisation préalable de l’inspection du travail. Rappelons que les syndicats contestent aussi tous les « contrats dits d’usage » dont la liste n’a cessé d’être injustement et arbitrairement allongée.

NOTE :
Environ 1 700 000 salariés sont en contrat temporaire : 1 200 000 en contrat à durée déterminée (CDD) et 500 000 en intérim selon l’enquête Emploi en continu de l’Insee (encadré 2). Depuis l’apparition du travail intérimaire en 1972 et l’instauration des CDD en 1979, la part des salariés en contrat temporaire a fortement augmenté jusqu’en 2000 pour se stabiliser ensuite. Les emplois en contrat court représentent aujourd’hui 10 % des salariés du secteur privé hors contrats aidés, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Actuellement, deux salariés sur trois sont embauchés en CDD. Ce sont le plus souvent des femmes, alors que les intérimaires sont majoritairement des hommes, 76 % de ces derniers sont des ouvriers. Les salariés en contrat court exercent deux fois moins souvent des professions intermédiaires et de cadres que les salariés en CDI : respectivement 24 % et 14 % pour les personnes en CDD et en intérim, contre 39 % pour les salariés en CDI. Ils sont aussi plus jeunes : la moitié des salariés en CDD ou en intérim a moins de trente ans, contre 40 ans pour les salariés en CDI.
L’usage des CDD est totalement politique et n’a aucune justification économique : elle frappe les jeunes, les femmes, les immigrés, et récemment les seniors, tous salariés vulnérables. La preuve en est qu’entre 29 ans et 54 ans, il y a 95 % de CDI. L’économie a tellement besoin de CDI que la durée de ceux-ci s’est allongée de 20 % dans les 30 dernières années. La flexibilité est une anomalie qui sert à faire plier l’échine, à faire pression contre le plein emploi, contre le CDI, contre la syndicalisation, contre les salaires, contre le droit du travail en général. Les précaires ont davantage d’accidents du travail, de maladies professionnelles, et comptent parmi les 10 millions de pauvres.

La FSU, le 12 janvier 2013 précise : » La flexibilité et la souplesse réclamées par le MEDEF existent malheureusement déjà et sont largement mises en application, avec un résultat sur le taux de chômage que l’on connaît! Par exemple, en 2010, sur la base des données recueillies par l’ACOSS, sur 19 millions d’embauches, 12 millions ont été des recrutements en CDD de moins d’un mois, 4 millions des CDD de plus d’un mois et 3 millions en CDI. L’intérim est largement utilisé comme période d’essai, variable d’ajustement des effectifs et les ruptures conventionnelles ont explosé ».

2°) La « complémentaire santé pour tous » ? Le jackpot pour les assurances.

On entend beaucoup dire, en message rapide, qu’il y aurait une « couverture complémentaire sante », qu’elle couvrirait 4 millions de personnes qui n’en avaient pas, et que cela couterait 4 milliards.

La vérité, c’est qu’elle sera payé 50/50 par les salariés et les employeurs, que ça rapportera aux grandes compagnies d’assurances qui seront « mises en concurrence » d’ici 2016 avec les mutuelles et la sécurité sociale, car c’est l’employeur qui décidera où vont les fonds. En fait il s’agit de 4 milliards dans les poches d’AXA ou d’Allianz.

« L’argus de l’assurance » se réjouit, il y a de quoi. Lorsque le Medef lâche 2 milliards, vous pouvez être surs qu’il ne s’agit pas d’abonder la « Sécu » ni les Mutuelles mais bel et bien les assurances privées.
Cela a été de longue date la position – discutée, votée, confirmée mais pas souvent rendue publique – de la direction CFDT : « mettre en concurrence la Sécurité sociale ».

Sauf que cette concurrence comme toutes les autres sera définitivement faussée : après de longues discussions, il a été tranché que c’était le patron qui déciderait.

Article 1 de l’ ANI : « Dans le cadre de futurs accords de branche qui seront signés… les partenaires sociaux de la branche laisseront aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. »

Ensuite lisez bien il ne s’agit pas de « couverture santé » mais « d’une couverture de « frais de santé couvrant au minimum un panier de soins ».

C’est comme dans les contrats d’assurance il faut lire ce qui est écrit en petit caractère, le diable est dans les détails : « le panier de soins » est « défini » : « 100 % de la base de remboursement des consultations, actes techniques, et pharmacie en ville » (donc avec tous les tickets modérateurs et déremboursements existants !), le forfait hospitalier, 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 euros par an. (avec des tarifs libres, 125 % de pas grand-chose font peu… et avec un forfait optique à 100 euros le « panier de soins » est tout petit)

Précis et pingre : exemple si une prothèse dentaire est remboursée à 10 % elle le sera de 12,5 %. Et 100 euros par an de lunettes c’est moins que bien des mutuelles aujourd’hui.

En moyenne, dans les « complémentaires santé » existantes les patrons paient 57 %.

Ce système est un mirifique cadeau pour Axa, Allianz et autres grandes compagnies. Elles vont se disposer de 2013 à 2016, avec le patronat, pour récolter cette manne ce que les Mutuelles ( et pourquoi pas la Sécu ?…) ne récolteront donc pas.

Est ce que la « portabilité » de cette couverture des frais de santé et prévoyance est facilitée pour les demandeurs d’emploi ? l’intention est affichée… mais rien n’est fait, elle reste à négocier ! La durée de maintien possible des garanties prévoyance et santé pour les salariés qui quittent l’entreprise et s’inscrivent à Pôle emploi est portée de 9… à 12 mois. Les partenaires sociaux affichent l’objectif de généraliser la mutualisation du financement de la portabilité, au niveau de la branche et des entreprises, et laissent à ces dernières un délai d’un an pour mettre en place un tel dispositif concernant la santé et une période de deux ans en matière de prévoyance.
Aucun, aucun effet pour inverser la courbe du chômage !
En alternative, avec des hausses de salaire augmentant du même coup les cotisations à la sécurité sociale, le remboursement des soins dentaires et de lunetterie pourraient être pris en charge et tous les forfaits qui éloignent des millions de français des soins, abrogés.

3°) Temps partiels et chômage partiel ?

Est-ce que travailler moins et gagner moins va être la « solution » au chômage de masse ?

Rien de fond ne semble changer dans l’ANI pour les temps partiels à part un plancher à 24 h : « Sauf cas particulier et avec un lissage sur l’année, un contrat à temps partiel devra prévoir une durée d’au moins 24 heures par semaine ». Donc les contrats à temps partiels restent lissés à l’année au bon gré de l’employeur s’il a arraché un accord avec des syndicats ! Et il y a d’abondantes dérogations prévues aux 24 h : les moins de 26 ans, les salariés des particuliers employeurs, ou « les salariés qui en feront la demande par écrit » (sic : ils peuvent être nombreux, si l’employeur leur demande a l’embauche) pourront travailler moins !

Les salariés déjà employés actuellement pourront demander un « complément d’heures choisies » s’ils souhaitent augmenter leur temps de travail hebdomadaire : mais le taux de ces heures « complémentaires » (qui était déjà majoré de 10 à 25 %) est limité à 8. Mais tout cela est renvoyé… à un « accord de branche étendu ».

Le « lissage sur l’année », cela signifie des périodes hautes et basses qui ne tiennent compte que de l’intérêt de l’entreprise pas du salarié. Des modulations qui vont se terminer en pratique sans délai de prévenance : de quoi gâcher la vie personnelle de la majorité des femmes qui sont concernées !

L’accord mêle de façon obscure des réaffirmations de ce qui existe dans le Code du travail et des « renégociations », du coup inquiétantes, de ces réaffirmations : pour les branches professionnelles dont au moins un tiers des salariés est occupé à temps partiel, l’ANI prévoit négociation :
- – sur le nombre et les périodes d’interruption dans la même journée (ce pluriel est très inquiétant car la loi Aubry 2 de 1999 L 3123-16 prévoyait une seule coupure au maximum de 2 heures dans une même journée.. sauf dérogations par accord collectif de branche etendu).
- – la répartition de la durée de travail dans la semaine (normalement c’était des horaires fixes, écrits dans le contrat sinon il était réputé à temps plein ! )
- – le délai de prévenance préalable à la modification des horaires (inquiétant aussi, car il est de 7 jours voire 3 jours, il est couramment violé au détriment de la vie des salariés)
- – la rémunération des heures complémentaires (10 % et à partir d’un seuil de 1/10e de la durée hebdomadaire ou mensuelle, 25 %)
- Les modalités d’accès à un temps plein (possibilité pour un employeur de proposer des emplois a plein temps… de nature différente – sic).
Tout cela est reporté à…. une autre négociation.

On ne voit rien qui change le sort de 3,7 millions de temps partiels subis, à 85 % des femmes et à 80 % des non qualifiés.
Aucun, aucun effet sur l’emploi et le chômage.

Par contre le chômage partiel est encouragé, simplifié, unifié « : travailler moins pour gagner moins » ! C’est l’antithèse des 35 h sans perte de salaire. C’est la réduction forcée du temps de travail avec baisse de salaire !

Nos libéraux dont la grande théorie est « pour sortir de la crise il faut travailler plus » et « C’est le travail qui crée le travail »… n’hésitent pas à pérenniser le système contraire :
ils remplacent « chomage partiel » par « retour à l’activité à l’activité partielle »
- maintien du contrôle préalable existant par l’inspection du travail du contrôle du chômage partiel : mais vidé de sens car réduction du délai de 20 jours à 15 jours : comprendre que le MEDEF tient à cette contrainte étatique à l’ordinaire insupportable quand on lit sur le site public que l’autorisation préalable offre aux entreprises une procédure « davantage sécurisé et plus réactive » , euphémisme pour dire qu’en clair l’autorisation sera donnée sans contrôle, car la notification de la décision dans un délai de 20 jours – article R.5122-5 du code du travail- est remplacée par une autorisation « tacite » dans un délai de 15 jours, … en clair sans contrôle ;
- maintien d’un contingent annuel d’activité partielle par salarié à 1000 h ( ici, les signataires de l’accord oublient la limitation du contingent à 100 heures en cas de « modernisation » des installations et, surtout l’annexe discrète de l’accord nous apprend qu’avec 910 heures fois 2, on arriverait à 1820 heures , l’année complète…
lisez cela : « - l’allocation spécifique et l’allocation d’APLD sont regroupées et prises en charge dans les mêmes conditions que l’APLD par l’Etat et l’Unédic » vous n’y comprenez rien hein ? pourtant c’est un superbe coup que ces « mêmes conditions » : l’employeur empocherait 2,90 euros par heure chômée en plus des 4,33 ou 4,84 euros suivant la taille de l’entreprise ; et l’annexe, discrète, à cet accord historique nous apprend que l’indemnisation du salarié, hors formation, passerait de 75 à 70 % du brut pour une première période de 910 heures et à 65 % du brut pour une deuxième période de 910 heures… net recul !
- uniformisation des modalités de calcul des heures indemnisables par l’Unedic et l’Etat (pour ne pas que les patrons perçoivent les fonds avec trop de retard)
et : joli piège : « pendant les heures d’activité partielle, les salariés peuvent (ah bon ?) réaliser toute action de formation (surtout ne pas les payer à rien faire ), notamment au titre du plan de formation (le changement de formulation permet de voir qu’on passe ainsi d’une formation facultative dans le décret n°2012-183 du 7 février 2012 – « susceptibles d’être organisées dans les mêmes conditions que celles relatives à la mise en œuvre du plan de formation » – à une formation obligatoire, le plan de formation étant « à l’initiative de l’employeur » ; l’annexe discrète achève de nous convaincre puisque la formation à l’initiative de l’employeur y est bien envisagée ; plus encore, des « périodes de professionnalisation » sont prévues dans la formation possible sans que l’accord du salarié requis par l’article L.6324-7 du Code du travail y soit mentionnée…);

Aucun, aucun effet contre le chômage, évidemment, puisqu’il s’agit de l’aménager, même de le faciliter.

4°) L’ANI ouvre une brèche énorme, celle de la création d’un « CDI intermittent » dans TROIS secteurs !

La presse a annoncé que le Medef renonçait aux « contrats de projets ». Pas que la direction de la CFDT acceptait les « contrats intermittents ».

Pourtant le négociateur de la CFDT avait pourtant dit fermement « non » : « Nous sommes formellement opposés à la création de CDI de projet et de CDI intermittents. Nous savons bien que ces contrats deviendraient la norme, et signeraient donc une nouvelle précarisation des salariés. » Yannick Pierron (Nouvel Observateur, 9 janvier)

Il a cédé ! Yannick Pierron a mangé son chapeau. Or comme il le disait, c’est LA brèche gravissime dans le CDI (des CDD successifs… sans prime de précarité). Il a ouvert la brèche.

L’ANI prévoit : « Une expérimentation d’alternance entre périodes travaillées et chômées serait lancée dans trois secteurs pour les entreprises de mois de 50 salariés ». Dans le chocolat, la formation, les articles de sports.

Les salaires seront « lissés » tout au long de l’année. Magnifique économie pour le patronat de ces secteurs. Ca servira demain partout, hôtellerie, jouets, agro alimentaires, etc.…

Pour les embauches effectuées dans ce cadre dans les entreprises de moins de 50 salariés, afin d’éviter des distorsions importantes en ce qui concerne le montant de la rémunération versée mensuellement, il devrait être ajouté une mention obligatoire (c’est le mot important) dans le contrat de travail intermittent. Celle-ci préciserait, par référence à l’actuel article L.3123-37 du code du travail, que la rémunération versée mensuellement aux salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent peut être indépendante de l’horaire réel (le tour de passe-passe est là, l’article L.3123-37 du Code du travail cité ne le permet qu’après accord collectif, et non par une mention obligatoire décidée par l’employeur), et notamment être « lissée » tout au long de l’année. (bonjour le contrôle des heures faites et de leur rémunération, surtout pour les heures d’enseignement dans les organismes de formation, où la convention collective est déjà inextricable sur ce point) Un bilan-évaluation de l’expérimentation sera effectué avant… le 31 décembre 2014 en concertation avec les pouvoirs publics.

Aucun effet sinon négatif sur l’emploi : des CDI permanents remplacés par des CDI intermittents !

5°) Un « droit de recharge » de l’assurance chômage « au fil de l’eau » ? Pour que ça ne coûte rien. Rien n’a été conclu.(traduction : l’engagement, c’est seulement de s’engager… à négocier)

Le troisième article des accords prévoyait la création de « droits rechargeables » : « un chômeur qui reprend un emploi conserve le reliquat de tout ou partie de ses droits aux allocations du régime d’assurance chômage, et peut les faire valoir en cas de retour au chômage ».

L’idée à la base est qu’actuellement une grande partie des privés d’emploi attendent d’épuiser leurs droits avant de retourner travailler. C’est un postulat idéologique selon lequel “le chômeur est chômeur parce qu’il le veut bien” constamment démenti par les faits.
En fait cette éventuelle mesure annoncée à tort par les médias sera inscrite… dans la future renégociation en 2013 de la convention Unedic.

Ce n’est pas cadeau : il faudra que cela ne coute rien : l’Unedic devra évaluer « les résultats de ce déploiement au fil de l’eau et ex post » est-il écrit dans l’article 3 de l’ANI. Qui comprend cela ?
Ce barbarisme renvoie à n’en pas douter au suivi mensuel (« au fil de l’eau ») du Taux de Sorties vers l’Emploi Durable (TSED) des allocataires. Le 21 décembre, l’Unedic a obtenu de Pôle Emploi un suivi mensuel du TSED pour les seuls allocataires du Régime d’Assurance Chômage. Il lui sera ainsi possible de vérifier – au fil de l’eau – si les droits rechargeables ont un impact sur la propension des allocataires du RAC à prendre un nouveau contrat court (4 mois ou plus) alors que leurs droits antérieurs ne sont pas épuisés.

6°) Un « compte personnel de formation » prévu tout au long de la vie ?

De grandes annonces dans les médias qui veulent bien se laisser abuser : genre « il y aurait un compte de formation « universel », « individuel » et « intégralement transférable » c’est-à-dire qu’il ne disparaît pas lorsque le salarié quitte une entreprise ».

La vérité, à lire « dans les petites lignes » c’est que ce compte, utilisable aussi par des salariés ou chômeurs, serait transférable, et alimenté… à raison de 20 heures par an dans la limite de 120 heures pour les salariés à temps plein. Rien de neuf, rien : le « DIF » (droit individuel à formation art L 6223-1 et 5 du CdT) ) qui existait déjà (20 h par an cumulable sur 6 ans) est inclus dans ce « nouveau » compte personnel de formation ! Ils se moquent du monde !

mais attention : commente les 120 h…. seront elles comptabilisées sur TOUTE la vie ? derrière cela il y a la volonté du Medef du contrôle total des salariés et futurs salariés du berceau au tombeau : livret de « compétences », électronique depuis 2010, de la maternelle à l’université, puis dans l’entreprise – équivalent de l’Europass institué en 2004 par l’Union européenne – « passeport formation de l’accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003, passeport orientation et formation » de la loi du 24 novembre 2009 et autres livrets et « passeports » divers dans les fonctions publiques. Retour derrière cela du « livret ouvrier » ?

Minute d’étonnement : la seule « nouveauté » serait une « mobilité volontaire sécurisée » : sic. On entend cela dans la bouche de journalistes, voire de ministre sans que personne ne regarde de quoi il s’agit.
De quoi s’agit-il ? C’est inouï, en effet ! Dans les entreprises de plus de 300 personnes, les salariés ayant plus de 2 ans d’ancienneté pourront aller « découvrir un emploi dans une autre entreprise » (sic) tout en ayant l’assurance ( !) de pouvoir retrouver leur emploi… après.
On vous le dit tout de suite : il vous faudra un « avenant au contrat de travail » avec votre employeur ! Ce sera une « suspension » (ANI article 7) de votre contrat de travail à vos risques et périls ! Vous imaginez faire cela … que ce soit accepté… et que vous serez bien accueilli au retour ? (sauf à ramener des secrets de fabrication malgré les règles de concurrence ! ) L’ANI prévoit que si vous voulez anticiper, votre retour, il faudra un « accord commun » des deux parties ! Si vous revenez vous avez droit à « un emploi similaire » (sic). Si vous choisissez de rester dans l’autre entreprise… ça équivaut à une démission (perte de droits complets) de la première !

C’est presque ridicule. Infinitésimal.

mais il y a aussi la mort, programmée depuis très longtemps, des CIO, la fin de leur gratuité et la soumission des conseillers aux stricts intérêts des entreprises locales : derrière cette phrase qui privatise les services publics d’orientation professionnelle : « L’articulation avec les pouvoirs publics et les dispositifs tels que le service public de l’orientation, devra être discutée avec l’ensemble des interlocuteurs concernés, notamment dans le cadre du débat sur la décentralisation » et le « conseil d’orientation professionnel » public-privé…

Aucun, aucun effet sur la courbe du chômage.

7°) On entend claironner qu’il y aurait présence de représentants de salariés dans les « organes de gouvernance de tête » ou conseils d’administration ou de « surveillance » ?

Immense avancée ?

Un salarié ou deux salariés (quand le nombre d’administrateurs est supérieur à 12) obtiendraient une voix délibérative dans les organes de décision des grands groupes (5.000 salariés en France ou 10.000 dans le monde). Ayant le même statut que les autres administrateurs, leur fonction serait incompatible avec celle de membre du CE, du CHSCT, de DP ou de DS.

Mais dans 229 entreprises seulement ! Faites confiance aux administrateurs patronaux pour « bien » préparer les réunions où il y aura représentant des salariés. S’il apparaît nécessaire de préciser dans l’ANI que le dialogue doit être « constructif et se tenir dans un climat de confiance » c’est qu’il y a problème. Lequel est aussitôt pointé du doigt puisque ce seront les employeurs qui imposeront aux élus du personnel ce qui sera soumis à confidentialité et pour quelle durée !

En échange, « l’ensemble des informations données de façon récurrente, aux IRP sous forme de rapports ou autres » (article 12 -1) est « remplacé » d’ici un an par « une base de données unique mise à jour régulièrement » (sic). Ce nouveau « truc » à facettes multiples va introduire en pratique plus de confusion que d’informations.

L’ ANI insiste : « Les demandes d’information ou d’éclaircissement ne doivent en aucun cas conduire à empêcher la bonne marche de l’entreprise » (sic). Cela va être un recul d’une telle ampleur de l’information des IRP (institutions représentatives du personnel) que l’ANI juge bon de préciser que cela se fera « sans remettre en cause les attributions des représentants du personnel ». Ils savent tellement que ca va aller mal dans les PME/TPE qu’ils prévoient un « truc tordu » : « des adaptations aux entreprises de moins de 300 salariés dans les 12 mois suivants sa mise en œuvre dans les entreprises de 300 salariés et plus » (sic).

En pratique le démantèlement des procédures actuelles d’information / consultation des IRP « remplacé » par une usine à gaz unique mais à facette multiple va être l’occasion pour les employeurs :

Et un petit bonus : les délais pour mettre en place les CE et les DP sont allongés à un an… ( en plus d’avoir obtenu des gouvernements successifs que le mandat des délégués du personnel passe d’un an à 4 ans, voila qu’ils se donnent un petit bonus de trois mois pour organiser les élections)

Rien, rien à voir avec l’inversion de la courbe du chômage avant fin 2013 !

8°) Accords dits de « maintien de l’emploi » ou de « compétitivité »

Il s’agit officiellement de « donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi ». (Titre II de l’ANI)

Il s’agit surtout de donner aux employeurs dont l’entreprise est en difficulté les moyens d’exiger des sacrifices de la part des salariés pour la redresser : « chômage partiel » et « nouvel équilibre pour une durée limité dans le temps – 2 ans maximum ! – dans l’arbitrage global temps de travail, salaire, emploi au bénéfice de l’emploi » (article 18 de l’ANI).

Il sera possible de faire varier les horaires et de baisser les salaires : c’est une généralisation d’accords qui avaient été signé et rendus célèbres à l’époque dans des entreprises comme Bosch, et Continental, ce qui ne les avait pas empêché de fermer après avoir essoré leurs salariés !

Une façon de faire plier l’échine aux salariés en prévoyant que lorsque l’entreprise est mise en difficulté, ils sont contraints de s’incliner : l’ANI précise bien, « l’accord s’impose au contrat de travail ». Pas de contestation, pas de recours : en cas de refus du salarié, la rupture de son contrat « s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité ». Viré automatiquement, impossible d’aller au tribunal !

S’ils sont nombreux à refuser, pas de « plan social » : « l’entreprise est exonérée de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement pour motif économique » !.

C’est finalement l’application du projet de loi annoncé par Sarkozy le 31 janvier et publié au J0 sous le nom de loi Warsmann art 40 le 22 mars 2012 : cf. Article 40 de la loi Warsmann : « Modulation du nombre d’heures travaillées sur courte période sans requalification du contrat de travail : la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail »

Mais en pire : c’est 2 ans ! Et les salaires aussi peuvent baisser !

C’était déjà possible de signer des accords dérogatoires au Code ou à la convention collective par la loi Fillon du 4 mai 2004. Ca inversait la hiérarchie des sources de droit. Mais le salarié pouvait refuser et il gardait ses droits de recours en cas de licenciement. C’est donc pire que la loi Fillon du 4 mai 2004 : ce dernier n’avait pas osé à l’époque imposer la loi à un salarié qui refusait individuellement la baisse de son salaire. Celui ci restait dans ses droits ! Là, ce n’est plus le cas, il sera licencié avec une « cause réelle et sérieuse » présumée, le contenu de l’accord.

(Cela pourrait être anticonstitutionnel parce que cela prive le juge d’apprécier lui même la cause réelle et sérieuse)

Sur ce point là c’est un recul historique d’une ampleur encore inappréciable ! car ça bouleverse un point fondamental du rapport entre la loi, la convention et le contrat de travail !

Quel effet sur l’emploi ? là, il peut y en avoir : différer dépôts de bilan et liquidation en faisant payer les difficultés aux salariés. Le chantage à l’emploi est légalisé et le contrat de travail collectif et individuel peut être attaqué dans ses éléments substantiels.

9°) Mobilité interne : une entreprise qui supprime des postes mais « reclasse » les salariés en signant un accord majoritaire » sera dispensée de « plan social ».

Là, on entre dans un autre univers. Ca franchit des années lumière de remise en cause du droit du travail.

Car il s’agit de « mise en oeuvre de mesures collectives d’organisation … se traduisant pas des changements de postes ou de lieux de travail au sein de la même entreprise » ! (ANI art. 15). Cela peut donc affecter des services entiers d’une entreprise sans plan social.
Il est précisé qu’en cas de refus d’un poste, le salarié pourra être licencié « pour motif personnel » pas pour « motif économique » ! (un des points les plus fous de l’accord « historique ». Les « partenaires » sociaux signataires s’accordent pour dire que les prud’hommes ne sont plus juges du motif du licenciement ! …et que le salarié est responsable de son licenciement pour refus de mobilité !)

Les entreprises auront ainsi la possibilité de restructurer sans plan social en imposant aux salariés la « mobilité ».

Les limites « à la mobilité géographique » ne sont pas définies. Elles sont reportées à une autre négociation ! D’une société d’un groupe à l’autre ? « Au delà de la zone géographique de son emploi » ? On ne mesure pas encore l’ampleur de cet autre énorme recul.

Mais une quantité exceptionnelle de situations de menace de « mobilité » forcée, de changement de contrat de travail, vont s’engouffrer là dedans.

Sauver de l’emploi de cette manière ? A quel prix ?

10°) Faciliter les plans sociaux : ils pourront donc faire l’objet de procédures dérogatoires s’il y a accord majoritaire… avec les syndicats de l’entreprise.

Vous lisez bien : le droit du licenciement collectif recule.

Il sera possible de déroger soit par accord avec des syndicats… bienveillants : (énumération article 20 -1 de l’ ANI)
- sur le nombre et le calendrier des réunions avec les IRP
- la liste des documents à produire
- les conditions et les délais de recours à l’expert
- l’ordre des licenciements,
- le contenu du plan de sauvegarde
C’est à dire quasiment sur tout. Incroyable : si on arrive à obtenir un accord avec des syndicats de l’entreprise, qui négocient dans ces circonstances avec un revolver sur la tempe, plus besoin de contrôle de l’inspection du travail, que du bonheur !)

On ne contrôle pas les licenciements boursiers, on les permet.. s’il y a accord… syndical !
Ca fait logiquement suite aux « accords de compétitivité » précédents.

La loi prévoyait que, dans l’ordre des critères de licenciement, l’ancienneté et la situation sociale arrivaient, de façon protectrice, en premier. Dorénavant selon l’ANI « la compétence professionnelle » sera privilégiée.

Vous lisez bien : le critère social est relégué.

Une fois que l’employeur vous aura essoré par « accord » pendant deux ans, sur la durée du travail, sur le salaire sans que vous puissiez dire « non », il pourra mettre la clef sous la porte après « un délai égal à la durée de l’accord qui aura été conclu ». Sans trop de risques administratifs (homologation cf. ci dessous) ou judicaires ((lequel n’aura plus le droit – cf. ci dessous – de juger la procédure), sans avoir de comptes à rendre, il lui suffira de dire au juge qu’il a eu la signature de syndicats de son entreprise pour baisser les droits, mais qu’il n’a pas pu réussir, malgré ça à maintenir des profits suffisants. Avec ça, les employeurs et actionnaires ne seront plus « risquophiles » mais « risquophobes » !

Quel effet emploi en 2013 ?

Peut être cela peut avoir un effet sur l’emploi en baissant la qualité de ceux ci et en les différant. Peut-être.

11°) Invention de nouveaux plans sociaux « produits par l’employeur » : ils pourront être sécurisés par une « homologation administrative »

Si vous avez du mal à comprendre : en résumé, il ne s’agira pas d’un contrôle administratif des licenciements mais.. d’un contrôle des dérogations aux licenciements. La « garantie de l’état » serait apportée aux employeurs qui « produisent » eux-mêmes un plan social accéléré, raccourci, arraché à leurs IRP et leurs syndicats.

C’est une nouvelle formule de licenciement selon un plan « produit par l’employeur » qui, pareillement fixe les calendriers, modalités dérogatoires, du PSE… Celui-ci le soumet « pour avis » au CE, en une seule fois puis il demande qu’il soit « homologué par le Dirrecte ». (Notez bien qu’il s’agit du directeur pas de l’inspection du travail). Une décision administrative donc, une nouveauté qui pourrait étonner de la part du MEDEF, mais on comprend mieux après… C’est par le Dirrecte. .(Le Directeur Régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, personne dont le seul titre permet de mesurer le degré d’indépendance par rapport au gouvernement, a remplacé par la magie de la recodification du code du travail en 2008 – soi-disant à droit constant – le directeur départemental du travail et de l’emploi issu de l’inspection du travail, institution dont l’indépendance est garantie par la convention 81 de l’OIT ; on comprend mieux cet engouement du MEDEF pour l’administration. Imaginez la droite revient !

Lorsque l’employeur recourt à la procédure d’homologation, il établit un document qu’il soumet à l’avis du comité d’entreprise (en une seule réunion ), préalablement à sa transmission au Dirrecte : ce document précise le nombre et le calendrier des réunions des instances représentatives du personnel, les délais de convocation donc moins de réunions et des délais plus courts alors qu’actuellement, ce nombre et ces délais sont fixés par les articles L.1233-30 du Code du travail, qui précise même que seuls des délais plus favorables peuvent être prévu par accord collectif ), la liste des documents à produire (l’employeur pourra donc faire moins que les informations actuellement prévues par les articles L.1233-30, L.1233-32 et L.1233-62 du Code du travail ) ainsi que le projet de PSE. (semblent « oubliés » dans la transmission à l’inspection du travail la liste des salariés visés par le licenciement : les procès-verbaux des réunions des représentants du personnel avec leurs avis, suggestions et propositions ; la mention éventuelle du recours à un expert-comptable par le comité d’entreprise ; la date de la deuxième et, dans le cas du recours à un expert-comptable, de la troisième, réunion du comité d’entreprise ; les noms, prénoms, nationalité, date de naissance, sexe, adresse, emploi et qualification des salariés concernés par le licenciement ; les modifications qui ont pu être apportées au calendrier prévisionnel des licenciements et au plan de sauvegarde de l’emploi comme le prévoient les articles L.1233-47 , L1233- 48 , D.1233-4 R.1233-6 et R.1233-7 du Code du travail ) L’administration se prononce dans un délai de 21 jours (au lieu actuellement de 21, 28 ou 35 jours suivant le nombre de licenciements – article L.1233-54 du Code du travail ) sur le document et le projet de plan de sauvegarde de l’emploi. (il y a mélange entre le contrôle de la procédure et le contrôle de la consistance du plan de sauvegarde de l’emploi) A défaut de réponse expresse dans ce délai, ils sont réputés homologués. (l’homologation devient tacite !)

A compter de la date de présentation du document au CE, la procédure s’inscrit dans un délai maximum préfixe (actuellement, les procédures ne fixent pas de délais globaux stricts ; en outre les délais existants sont entre les réunions de consultation des représentants du personnel et ils ne partent pas d’une date à la discrétion de l’employeur comme cette présentation d’un « document » au CE) , non susceptible de suspension ou de dépassement :
- de 2 mois pour les projets de licenciements collectifs pour motif économique concernant de 10 à 99 salariés,
- de 3 mois pour les projets de licenciements collectifs pour motif économique concernant de 100 à 249 salariés,
- de 4 mois pour les projets de licenciements collectifs pour motif économique concernant 250 salariés et plus.
La mise en œuvre des reclassements internes peut débuter à compter de l’obtention de l’homologation !!!
En cas de refus d’homologation de la procédure par l’administration, celui-ci est motivé.
L’entreprise doit alors établir un nouveau document et le soumettre à la procédure d’homologation visée au premier alinéa. Le délai maximum mentionné au troisième alinéa est alors suspendu jusqu’à l’homologation, par l’administration, du document établi par l’employeur.
Toute action en contestation de l’homologation doit être formée dans un délai de 3 mois à compter de son obtention. ( il faut sans doute comprendre que les prud’hommes ne pourront être saisis par les salariés qu’après une procédure au tribunal administratif !) Toute contestation par le salarié visant le motif du licenciement ou le non-respect par l’employeur des dispositions du document ayant fait l’objet d’une homologation doit être formée dans un délai de 12 mois suivant la notification du licenciement. (voir remarque plus haut sur cette réduction à un an du délai de 5 ans sur le motif du licenciement)

comment aller plus vite et plus loin pour expédier un PSE ? l’accord arraché par la patron homologué par le Dirrect pourra déterminer :
- le nombre et le calendrier des réunions avec les IRP (moins, et plus vite sinon on ne voit pas l’intérêt de déroger pour les employeurs ; et de plus cette dérogation est hélas déjà inscrite dans le code du travail – article L.1233-21 -)
- la liste des documents à produire (régression nouvelle, contraire à l’article L.1233-23 du code du travail qui précise que l’accord dérogatoire ne peut déroger sur ce point ),
- les conditions et délais de recours à l’expert (régression nouvelle sans doute, car l’article L.1233-35 ne prévoit que des dérogations pour « des délais plus favorables aux salariés » ! ) ,
- l’ordre des licenciements ( un terrible recul, jusqu’ici l’employeur devait prendre en compte les charges de famille, l’ancienneté, l’âge, les handicaps, et les « qualités professionnelles appréciées par catégorie » – article L.1233-5 – et même si la jurisprudence lui permettait de privilégier un critère, ce n’est pas la même chose, du point de vue du rapport de forces dans les entreprises que d’inscrire dans l’accord et même dans la loi si l’on en croit les annonces gouvernementales, que le critère qui sera privilégié sera, comme prévu plus loin à l’article 23 de l’accord, la « compétence professionnelle », et d’autant plus que la notion de « compétence » donne plus encore que les « qualités professionnelles appréciées par catégorie » libre champ à l’arbitraire patronal )
- le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. (que va dire l’accord dérogatoire : que les reclassements en Bulgarie à 400 euros sont acceptables ? la jurisprudence considère, en toute logique, que le plan de sauvegarde de l’emploi ne peut se confondre avec l’accord de méthode dérogatoire

C’est de la dynamite : il s’agit de court-circuiter toutes les procédures et « dé judiciariser » les plans sociaux. Il est bien précisé que les délais « sont des délais préfixes, non susceptibles de suspension ou de dépassement ». Toute action en contestation de la validité de l’accord doit être formée dans un délai de 3 mois à compter de son dépôt ( autre terrible recul car c’est au lieu du délai qui est, conformément à l’article L.1233-24 du Code du travail – de 12 mois quand l’accord « détermine ou anticipe le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi » ! et c’est le cas dans un accord de ce type !).

Le Medef avait peur des syndicats. Il avait peur des contrôles des IRP lors des plans sociaux. Il avait peur de l’inspection du travail. Il avait peur des juges. En fait il a peur de tout contrôle social.
C’est bien Laurence Parisot qui affirme que « la liberté de penser commence là où commence le code du travail ».
L’ANI réduit le rôle des syndicats. L’ANI réduit le rôle des IRP. L’ANI écarte l’inspection du travail. L’ANI raccourcit les délais, procédures et recours. L’ANI réduit le contrôle des juges.

Il avait été réclamé un contrôle des plans sociaux boursiers, ou abusifs. C’est le contraire, dans cet accord, ils sont facilités simplifiés pour les employeurs. Mittal ou Pétroplus, Sanofi auraient pu aller plus vite avec ça.

Une fois les délais raccourcis, les PSE facilités, les employeurs vont se ruer dessus. Pourvu que pareil « accord » ne s’applique pas, et pas trop tôt (fin 2013 ?). Le Medef a obtenu, là, le plus sur moyen de couler la gauche et de faire le maximum de chantage à l’emploi contre les salariés et leurs syndicats.

Chaque fois que les licenciements ont été facilités (1986, avec la « suppression du contrôle administratif de l’inspection du travail », 2008 avec la « rupture conventionnelle ») il y a eu des « pics » de licenciements. Par exemple les « ruptures conventionnelles » qui permettent des ruptures de contrats sans motif, il y en a eu 1 million, 250 000 par an depuis 2008, un raz de marée !

Cet accord, si, par malheur, il lui est donné une suite parlementaire, va nuire à l’objectif d’inverser la courbe du chômage avant fin 2013 !

12°) Remise en cause de la place des procédures en droit du travail : vers la suppression des motifs pour les licenciements

L’ANI prévoit la réduction des délais d’un plan social. Pas seulement des délais de réalisation mais aussi des délais de contestation ! Ca s’appelle « rationaliser les procédures de contentieux judiciaire » . En fait il ouvre la voie à un bouleversement de la place de la procédure en droit du travail.

Il s’agit encore de diminuer le temps et le coût des licenciements ! Mais aussi la formulation des motifs bases des recours.

Pour ceux qui croyaient que « la procédure est sœur jumelle de la liberté », c’est fini… L’ANI demande à ce que la « sécurité juridique des relations de travail ne soit pas compromise si des irrégularités de forme sont assimilées à des irrégularités de fond ». (art. 24)

Il s’agit de contrecarrer les décisions des juges de recours des chambres sociales. Après le fond, dérogatoire, rendus possible, ils seront muselés en droit formel du licenciement. C’est une offensive idéologique de fond qui s’engouffre derrière cela : si le « contrat de travail » relève d’un accord entre deux parties, la rupture de ce contrat relève d’un acte unilatéral et dans ce dernier cas, la procédure est indissociable du fond.

Le Medef progresse de façon acharnée vers le but qui est le sien : le licenciement sans motif. Le « motif », ce serait la forme, l’économie, c’est le fond. Il faut pouvoir licencier sans se faire embarrasser de motifs… humains !

Alors évidemment l’ANI prend des précautions : il invoque le respect des principes généraux du droit et de la Constitution. Mais il y a aussi l’OIT qui interdit de licencier sans motif !

13°) L’ANI ou « accord de Wagram » termine sur des vraies mesquineries contre les salariés :

La justice est l’ennemi du Medef ! Selon Laurence Parisot « Les prud’hommes, ça insécurise les employeurs ». Jusqu’à présent ils ont réussi à bloquer les conciliations, à renvoyer aux juges départiteurs, à diminuer la formation, les crédits d’heures attribués aux conseillers prud’hommes, à différer les futures élections prud’hommes…

Un salarié disposait de 5 ans pour se porter aux prud’hommes, le délai est réduit à 24 mois.

Jusque là il était possible à un salarié de réclamer ses heures supplémentaires 5 ans en arrière, que le contrat soit en cours ou qu’il soit rompu. Désormais ce ne sera plus que 36 mois. C’était une vieille revendication du Medef !

Il y aura un plafonnement des dommages et intérêts que pourront obtenir des prud’hommes les salariés en réparation des préjudices qu’ils auront subis. Etrangement cela n’est évoqué que devant le « bureau de conciliation » : parce que sinon, cela aurait pu être anticonstitutionnel de fixer pareil plafond aux juges.

Alors l’ANI répète qu’il doit y avoir « conciliation » dans les deux mois. C’était déjà le cas. La conciliation est systématique et a valeur de la chose jugée. Sauf que dans 80 % des cas, les employeurs refusent. Donc l’affaire prospère en audience : à quoi sert alors de mettre un plafond de dommages et intérêts ? Sinon pour PLAFONNER la demande des salariés elle même afin d’obtenir justice dés la conciliation plutôt que d’attendre longuement l’audience ? Et si la demande est plafonnée en conciliation il sera difficile de demander davantage en audience. Bien vu hein ?

Les parties peuvent, lors de l’audience devant le Bureau de Conciliation, choisir de mettre un terme définitif au litige qui les oppose en contrepartie du versement, par le défendeur au demandeur, d’une indemnité forfaitaire (les prud’hommes et la cour d’appel ne pourraient plus proposer la réintégration du salarié en cas de licenciement pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, ou en cas de licenciement, pendant la période de suspension du contrat, d’un salarié victime d’un accident du travail, comme le prévoient encore les articles L.1235-3 et L.1226-15 du Code du travail ? ; que deviennent les nullités des licenciements prononcés pendant la grossesse, les nullités des licenciements liés au harcèlement moral ou sexuel, les nullités des licenciements liés à une action en justice sur la base de l’égalité professionnelle, les nullités des licenciements fondés sur une discrimination – articles L.1225-5 , L.1152-3, L.1153-4, L.1144-3, L.1132-4 du Code du travail – ? )

La conciliation intervenue en cette forme a, entre les parties au litige, autorité de la chose jugée en dernier ressort de la chose jugée en dernier ressort.(elle est pas belle la vie ?)
Toute demande portée devant les prud’hommes est inscrite au rôle du bureau de conciliation dans les deux mois de son dépôt au greffe. A défaut de conciliation, l’affaire est portée devant le Bureau de Jugement, qui doit former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ( les signataires de cet accord « oublient » qu’après avoir pesé ces éléments, le juge peut ordonner des mesures d’instruction complémentaires qu’il estime utiles, et « oublient » surtout que « si un doute subsiste, il profite au salarié » – article L.1235-1 du Code du travail, ainsi qu’à la salariée enceinte, en application de l’article L.1225-3 du Code du travail) , et justifier du montant des condamnations qu’il prononce en réparation du préjudice subi par le demandeur.

Pour ceux qui ne savent pas, c’est la deuxième mort de la célèbre lingère de Chamonix : de mémoire, cette femme avait travaillé de l’âge de 16 ans à l’âge de 65 ans comme lingère dans le plus grand hôtel de Chamonix. Seule et simple, elle avait travaillé 7 jours sur 7, et 12 h par jour sans savoir qu’elle pouvait se plaindre. Elle a travaillé pour le patron grand père, puis pour le fils, puis pour le petit fils. Elle logeait même dans une chambre de bonne sous les combles de l’hôtel. Lorsqu’elle a eu 65 ans, le petit fils l’a viré ! De sa chambre de bonne aussi ! Un syndicaliste l’a pris en pitié : il a conduit le procès aux prud’hommes. En s’appuyant sur de nombreux témoignages, il a pu invoquer une « prescription trentenaire » pour le « dol » exceptionnel que cette femme avait subi ! Elle aurait reçu 360 000 euros d’indemnités.

On peut croire au contraire que l’employeur de Chamonix aurait du payer dix fois plus. Comme inspecteur du travail, il m’est arrivé d’être obligé de donner l’autorisation à un délégué CGC d’une banque parisienne pour une « rupture conventionnelle », lequel avait négocié son départ pour la même somme à 360 000 euros, mais pour…2 ans et demi d’ancienneté.

Impossible de dire que cet accord est le plus important depuis trente ans. Les accords de 1995 (sur la réduction du temps de travail, nombre d’heures supplémentaires limitées à 91 h par an, définies comme « exceptionnelles et imprévisibles ») ) ou de 2008 (sur la représentativité syndicale) étaient plus importants, mais surtout plus progressistes.

Par contre cet accord est minoritaire, il peut, il doit être remis en cause par le Parlement de gauche.

Gérard Filoche, membre du BN du Parti socialiste, du samedi 12 janvier au lundi 14 janvier 2013